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Manon FARGETTON - Aussi libre qu'un rêve


Manon Fargetton est une jeune auteure française multi-casquette née en 1987, musicienne de formation (a longtemps pratiqué le violoncelle). "Aussi libre qu'un rêve" est son premier roman, sorti en 2006 dans la collection "Autres Mondes" chez Mango, écrit alors qu'elle n'avait que dix-huit ans. "June : le souffle", est un second roman à paraître toujours chez Mango, et marque le premier volume d'une trilogie.


Fin du XXIème siècle. La société s'organise autour d'un processus de sélection bien précis : celui des "Dates de naissance". Chaque nouveau-né se voit attribuer une profession définie en fonction de son mois de naissance. Tout au long de son cursus scolaire, il suivra une formation qui le préparera à endosser son futur métier. Si le système parvient à résorber le chômage, il n'est pas sans inégalité : certains mois de naissance sont en effet nettement privilégiés par rapport à d'autres. C'est ainsi que les naissances de début d'année profitent de métiers côtés (musiciens, acteurs, artistes) et que ceux de fin d'année accueillent des activités largement moins prestigieuses. Silnöa et Silnëi sont deux jumelles nées à quelques minutes d'intervalle : la première est née le 31 décembre à 23H58, et la seconde, dans les premières minutes de janvier... Elles incarnent donc malgré elles l'injustice de tout un système. Cette tyrannie des naissances a été instituée par Chan Wallow, tout puissant dirigeant de la région, qui compte bien maintenir son autocratie en défendant vaille que vaille ce procédé lui permettant de verrouiller la population. Mais les deux saeurs ne sont pas dupes. Et au sein de la société, un vent de révolte commence à souffler. Accompagnée de Kléano, jeune ado rebelle et chanteur d'un groupe de rock interdit par les autorités, les deux saeurs parviendront peut-être à renverser Chan Wallow du trône qu'il occupe depuis trop longtemps.

Gentil roman SF qui fleure bon le premier essai. Le lecteur est convié à suivre les péripéties de quatre adolescents dans un monde naïvement dystopique où la vie des citoyens est réglée comme du papier à musique. Dans cette espace de liberté contrôlée qui n'est pas sans rappeler quelques lointains et prestigieux classiques du genre (1984 de George Orwell, Fahrenheit 451 de Bradbury, Le meilleur des mondes d'Huxley), les deux jumelles Silnöa et Silnëi, Kléano, mais aussi Nériss (le fils de Chan Wallow, le dictateur) ne sont pas réellement heureux. Ils se heurtent aux barreaux d'une société qui ne considère pas leurs aspirations personnelles et leur impose une existence trop lisse pour être palpitante, trop incolore pour être lumineuse, trop monotone pour être passionnément vécue. Silnöa, née en décembre, se voit attribuée un métier manuel avec lequel elle n'a aucune accointance. Sa saeur Silnëi, née en janvier, est promise à une brillante carrière artistique en tant qu'actrice. En dépit de leur différence de destinée conditionnée, les deux saeurs demeurent complices, élevées par des parents aimants. Ce qui n'est pas le cas de Kléano, le rebelle, chanteur d'un groupe subversif qui clame la liberté de parole et de pensée : ce dernier n'a jamais connu son père, et son grand-père, Terouka - détenteur d'une sagesse qui semble séculaire et de quelques lourds secrets - reste son seul modèle et confident. Quant à Nériss, fils du tout puissant Chan Wallow, il demeure coupé du monde, solitaire, cloîtré dans sa chambre comme dans une bulle, et son unique fenêtre sur le monde reste le "bzh-net" (comprenez internet), outil par lequel il communique avec Silnöa, son amie sans visage. Les quatre adolescents sont évidemment liés par un jeu de circonstances qui les dépassent, et la construction du roman, à cet égard, est plutôt réussie. Pour le reste, le lecteur plus aguerri déplorera un registre de langue un peu lâche, une plume aussi légère que le cadre de l'action qu'elle met en scène : en effet, l'arrière-plan du décor manque cruellement de consistance, la jeune auteure se contentant de ressortir quelques poncifs du genre sans vraiment aeuvrer dans l'originalité : un méchant autocrate autoritaire, des robots-flics qui tire sur la foule, la prédominance de l'apparence dans une société régit par l'image, la nécessité du réseau internet, le tout mâtinée d'une poésie prépubaire... Pour un lectorat plus jeune, néanmoins, "Aussi libres qu'un rêve" peut assurer une introduction séduisante au monde de la SF en faisant écho à quelques préoccupations de cet âge : la passion pour la musique, la relation à ses parents, les liens indéfectibles de l'amitié, les nombreuses interrogations sur son avenir professionnel...

La collection "Autres Mondes" de Mango a déjà publié des romans nettement plus ambitieux : on conseillera vivement aux jeunes lecteurs de se plonger dans "La fin du monde" de Fabrice Colin, ou de se pencher sur les romans de Christophe Lambert.



25/05/2013
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