La-Cave-aux-Mots

La-Cave-aux-Mots

Gigliola ALVISI - Trop parfaite


Gigliola Alvisi est une auteure italienne. Parallèlement à son travail dans une joaillerie, elle anime des ateliers d'écriture pour enfants. On lui doit déjà de nombreux romans pour la jeunesse récompensés par la critique. « Trop Parfaite ! » a remporté le prix Annamaria Castellano 2012 attribué par un jury de 2000 collégiens. Il est publié en France chez « La Joie de Lire ».

Lucrezia est l'archétype de l'adolescente à qui tout réussit. Elle habite Milan, au sein d'une famille aisée, entre son père, Marco Monteleone, pilote de chasse aussi beau qu'un Apollon, sa mère, Carola, ex-mannequin, reine de l'organisation, et sa Nounou, Emma, complice et confidente. Lorsque sa mère tombe enceinte, la petite vie de cette famille parfaite se voit quelque peu chamboulée, d'autant plus lorsque des suites d'une complication, la mère de Lucrezia doit être hospitalisée. Or, Emma la nounou, part en pèlerinage à Lourde, et Marco, son père, est en déplacement. Voilà donc Lucrezia livrée à elle-même. Impossible de compter sur sa grand-mère ou sur sa tante, de vieilles pimbêches égoïstes qui n'offriront jamais leurs services. Alors, d'un commun accord, ses parents décident de l'envoyer pour l'été dans la famille de la sœur de sa mère, Mariella, qui vit avec son mari Mario et ses enfants dans une province du sud de l'Italie. Dépaysement assuré pour Lucrezia. Même si ce séjour au sein de cette famille nombreuse n'est pas de tout repos, elle apprend rapidement à connaître ses cousins. Il y a Alfonso, l'aîné de dix-huit ans, qui a hérité de la beauté des Monteleone et qui nourrit à l'égard de Lucrezia une rancœur bien mystérieuse ; il y a Giuseppe âgé de treize ans et Andréa de huit, les deux frères qui se ressemblent, rondouillards et plaisantins, le premier toujours enclin à draguer les filles quand le second cherche à se hisser à la hauteur de son grand-frère ; et pour finir le petit dernier, Pippo, deux ans, petit diablotin aussi turbulent qu'attachant. Ici, sous le soleil du sud de l'Italie, au bord de la mer, Lucrezia délaisse la routine urbaine qui caractérisait son quotidien de petite fille milanaise pour plonger allègrement dans l'archaïsme provincial de la ruralité : les réactions des gens ne sont pas les mêmes, tout le monde lui est inconnu, les jeunes ont le droit de sortir jusqu'à point d'heure, l'atmosphère est nettement plus détendue... Au-delà de ce changement drastique d'environnement qui va contribuer à faire de cet été l'un de ceux « qui aura changé sa vie », ce périple en terre inconnue va surtout permettre à Lucrezia de mettre à jour un lourd secret familial à l'origine d'une discorde entre sa mère Carola et sa tante Mariella. Car entre les deux sœurs, le dialogue s'est interrompu depuis de nombreuses années. Et Lucrezia, fille parfaite, réussira peut-être à rabibocher les deux familles tenues trop longtemps éloignées.

Roman à la première personne, où l'on se coule dans le quotidien de Lucrezia, qui, sous ses dehors de gentille poupée Barbie, cache une débrouillardise et un caractère affirmé bien éloigné de l'image de candeur à laquelle on l'associe dans un premier temps. L'écrivaine brouille un peu les pistes, et c'est tant mieux. L'identification est immédiate, et l'on suit avec un réel plaisir le devenir de cette jeune fille en proie à toutes sortes d'interrogations consécutives à sa situation : la venue prochaine d'un petit frère ou d'une petite sœur, la découverte d'une famille et d'un cadre totalement inconnus, l'éloignement forcé de ses parents... Eté de transition pour Lucrezia autant que passage initiatique, ce séjour dans le sud de l'Italie va sans aucun doute l'amener à se construire en tant qu'adulte. Atterrie en zone de turbulences, elle va rapidement devoir faire face à trois cousins en pleine crise d'adolescence ou presque (les sorties en boîtes de nuit, la fête, l'éveil à la sexualité), mais aussi aux réactions antipathiques et acerbes d'Alfonso, son cousin le plus âgé. Pour couronner le tout, elle va être parachuter d'office baby-sitter attitrée du petite dernier, Pippo, garnement en culottes courtes, la morve au nez, qui braille tout le temps, personnage croqué par l'écrivaine avec un certain talent et une justesse qui se double de tendresse. Cette responsabilité nouvelle qui échoit à Lucrezia se pose comme une sorte d'anticipation de son statut de future grande-sœur, et lui permet de répondre à la question qu'elle se pose peut-être de manière inconsciente : de quelle manière va-t-elle accueillir son futur frère ou saeur ? Autre tournant initiatique, le danger qui, bien sûr, rode dans cette bourgade en bord de mer où une parfaite inconnue venue de Milan, avec ses airs de top-modèle, ne manque évidemment pas d'attirer les regards et d'attiser les envies : lorsqu'un dénommé Tarzan, le délinquant du village, s'en mêle, la situation prend une tournure dangereuse, et Lucrezia aura besoin de toutes ses compétences en Karaté pour s'en tirer sans encombres... Enfin, le lourd secret de famille à l'origine d'une dissension entre sa mère Carola et sa tante Mariella contribue à pimenter la lecture d'un zeste de mystère que le lecteur à la curiosité titillée se doit d'éclaircir. Un enjeu qui, sans prendre la tournure d'une intrigue de page-turner, constitue un habile moteur...

Petit roman initiatique sans prétention, bien écrit et bien emballé, avec une narratrice confortablement installée dans sa position de jeune adolescente atterrie en territoire inconnue, « Trop parfaite » comblera les jeunes lecteurs qui retrouveront, au gré des réflexions et péripéties de Lucrezia, des préoccupations qui leurs sont propres. 



25/05/2013
0 Poster un commentaire
Ces blogs de Littérature & Poésie pourraient vous intéresser

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 5 autres membres