La-Cave-aux-Mots

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Robert SILVERBERG - Résurrections

 

 

Petit roman sans grande prétention qui prend quand même un peu la poussière sur la pile de romans accumulés par l’auteur dans les années 70, Résurrections – à la connotation très largement spirituelle / religieuse – traite du thème – déjà exploité au demeurant par l’auteur dans un autre roman : « Revivre Encore » – de la vie réinsufflée scientifiquement à l’homme après une mort clinique. T’es mort. On te branche. Tu revis.

 

La mort en vaut-elle le détour ?

 

 

Jim Harker a définitivement enterré sa carrière d’homme politique. Homme libéral, fort de principes qu’il n’a jamais sacrifiés à son ascension, son tempérament à la franchise assumée n’a cependant pas été sans froisser quelques subtilités dans le milieu à couteaux tirés de la politique, et c’est à regret qu’il se voit perdre, à l’aube de l’année 2032, l’élection qui aurait pu lui assurer un second mandat de gouverneur de l’Etat de New York… Déchu de son piédestal, l’ex-gouverneur (qui a les boules, et c’est compréhensible) a assuré sa reconversion en trouvant une confortable place au sein d’un prestigieux cabinet d’avocats. Dernière affaire en date : la défense du vieux Richard Bryant, premier homme à avoir poser la première pierre de la station martienne, aujourd’hui aux portes de la mort, et tiraillé par une nuée d’héritiers rapaces avides de sa colossale fortune. La routine, autrement dit… Mais par un beau jour pas forcément ensoleillé, un inconnu vient troubler le quotidien de Jim Harker en venant toquer à la porte de son bureau pour lui proposer un contrat aux clauses pour le moins stupéfiantes : « La mission, Jim, si vous l’acceptez, sera de défendre le laboratoire Beller auquel j’appartiens et qui compte dévoiler d’ici peu à la face du monde son invention révolutionnaire : le processus de résurrection des corps tout morts. ». Notre héros passe alors par différentes phases : du scepticisme sismique à la crise de foi, c’est une tragédie de son passé qui va finalement avoir raison de son hésitation : la disparition accidentelle de sa jeune fille Eva, morte noyée (glouglouglou)  à l’age de six ans.  

Dès lors, Jim Harker s’embarque dans une croisade acharnée. Car la population est-elle vraiment prête à accueillir le profond bouleversement que ne va pas manquer d’entraîner sur son quotidien la découverte du laboratoire Beller ? Et que dire de la réaction des représentants des grandes religions ? Sans parler des réactions politiques des dirigeants du pays, conditionnées par des convictions morales parfois diamétralement opposées… Et la presse, évidemment, de s’en donner à cœur joie en soufflant sur les braises de ce joli brasier à sensations pour déformer à tours de stylos et calomnier sans vergogne.

 

Jim Harker en sortira-t-il vivant ?

 

 

Pour le coup, Silverberg délaisse l’exploration intérieure de ses personnages à la psychologie qu’il dépeint, dans ses plus grandes incursions, de manières si délicieusement juste (Le livre des crâne, l’Oreille interne), et abandonne les grandioses dépaysements de ses romans SF aux cadres merveilleux (Les Ailes de la Nuit, Le Fils de l’Homme) pour se consacrer ici, de façon tout à fait scrupuleuse et pointilleuse, à l’analyse prospective (c'est-à-dire proche et tangible) des répercussions morales qu’un processus scientifique de résurrection pourrait inspirer aux différentes couches de la société : politiques, religieuses, populaires… Alors certes, c’est tout plein d’une volonté de rationaliser la chose : descriptions scientifiques, développement formelles des différents protagonistes du roman qui tisse la trame d’une intrigue aussi propre que convenue. Malheureusement, si toute cette grande mécanique de 250 pages avance sûrement sur ses roulettes hiéroglyphiques jusqu’à son point final salvateur, et si la curiosité de savoir comment le courageux avocat va pouvoir s’extirper d’une situation peu à peu inextricable prend rapidement le pas sur le reste, le lecteur qui partagera mes goûts et mes couleurs (c'est-à-dire aucun, mais j’écris pour moi, donc, pas de souci) trouvera peut-être le roman au mieux daté, au pire, ennuyeux… Les centristes, sourire en coin, opteront pour le terme « facile ». Comment en effet ne pas sourire face à certaines situations dépeintes par Bob : Harker l’avocat, ancien gouverneur, qui se roule son joint de Marijuana dans son bureau en recevant son futur client et se le fume tranquillos pépère devant lui, histoire de destresser. Dans la même veine, les réactions morales proprement libérales et progressistes de notre héros qu’il affiche avec un certain panache, face à ces « réactionnaires obtus ». Sans parler de certains twists tellement prévisibles qu’on les voit venir une quarantaine de pages à l’avance ; et d’un happy end vraiment nauséabond (moi j’aime quand tout le monde y meure à la fin). Tout cela, vous l’aurez compris, fleure bon les années soixante-dix. Et peut-être que cette flagrance bien particulière ne sera pas sans éveiller chez les plus anciens lecteurs un élan de sympathie non dénué de nostalgie. Pour les plus jeunes, le bouquin sera lu rapidement (250 pages) sans perspective ni plaisir d’y revenir… Ce qui dans l’absolu s’avère la destiné fatale de la grande majorité des romans.

 

 

Ça se lit vite. Et c’est l’occasion, si besoin était, de nous rappeler que Silverberg n’a pas pondu que des chef-d’œuvres durant ses prolifiques années 70 (et encore heureux !). Un roman sans saveur, et qui traite son thème de manière on ne peut plus convenue. Les vieux routards condescendants y prendront peut-être quelque plaisir. Les jeunots oublieront leur excursion aussi vite terminée. 



13/05/2013
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