La-Cave-aux-Mots

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Catherine DUFOUR - Outrage et rébellion

 

Après un recueil de nouvelles définitivement réussi publié chez Le Belial’ au mois de septembre, Catherine DUFOUR remet le couvert avec la parution, en mars dans la collection Lunes d’Encre, de sa toute dernière production SF : Outrage et Rébellion. Hommage délibéré au monde décapsulant du Punk, le roman se veut la transposition science-fictive d’un ouvrage cruellement dévastateur et faisant office de référence dans l’illustration de ce courant et de ses décapants dérivés [propres comme figurés] : Please Kill Me de Legs McNeil et Gillian McCain. 

Préparez vos boules Quies.

      

Prenant pour cadre l’univers introduit dans le Goût de l’Immortalité [sa hiérarchisation sociale particulière : gens miséreux cloîtrés sous le niveau de la terre, vivant dans la « Suburb », et riches privilégiés, à la surfaces, habitant dans les hauts étages des « Tours »… ; son univers oppressant et glauque…], Outrage et Rébellion en est une sorte de prolongement musical. C’est ainsi que le lecteur est convié à suivre la trajectoire de Marquis, jeune ado pensionnaire des Conglin, institut à la fonction plutôt obscure… Accompagné d’une bande de potes en mal de sensations fortes, Marquis va défier l’autorité des surveillants en montant un groupe de musique qui ressuscite l’esprit déjanté et sulfureux d’un courant musical issu des siècles passés : le punk. C’est un peu sex, drugs, and Rock & Roll au pensionnat doré… Le succès du groupe va rapidement se propager au-delà des frontières des Conglin et élever Marquis au rang d’icône de la libération. Ce qui n’est pas forcément pour plaire à tout le monde… Echappant à la répression qui s’abat sur la pension, Marquis va trouver refuge dans les sous-sols de Shangaï où il va poursuivre sa carrière de musicien rebelle. Et à travers lui, c’est la révolte de tout un peuple qui va se réaliser…

 

Petite plongée, donc, dans l’univers complètement barré du punk et de ses frasques fuligineuses. Avec en toile de fond le monde lugubre et oppressant de la Suburb. Catherine DUFOUR poursuit son joyeux travail de démolition, chaussée, cette fois-ci, d’une paire d’épaisse Caterpillar et de tout un arsenal d’ustensiles cloutés. La rupture du roman se joue à plusieurs niveaux : dans la forme morcelée, fragmentée : le roman est en effet une suite d’extraits d’interviews des différents protagonistes insérés les uns à la suite des autres. Structure évidemment calquée sur l’ouvrage référant Please Kill Me et qui confère à la narration un rythme hoquetant du plus bel effet, avec relents de bière appuyés. Rupture aussi dans le registre de la langue : ici, pas de niaiseries ampoulées ni d’enluminures précieuses… Juste une prose acérée, délibérément vulgaire, à même de coller à la punk Attitude qui caractérise le comportement déjanté et rebelle de nos jeunes ados en furie. On rit souvent, car Catherine DUFOUR possède ce talent de la concision et de la formule qui fait mouche. Et certaines citations [bien qu’arrachées de la bouche d’un Jim Morrison ou d’un Andy Warhol], ne manque pas de produire leur petit effet… La mise en abîme induite par le traitement [punk attitude sur fond SF] permet de mettre en relief la noirceur de l’univers dufourien, car sous le clinquant de la scène et sous la brillance du feu des projecteurs, le décor demeure d’une noirceur étouffante... La musique comme seul échappatoire au réel ? Oui. Mais aussi, et on sait que ce thème est cher à l’auteur, la musique comme redécouverte du réel : car Marquis et sa bande de potes, en laissant couler leur verve nihiliste, en se vautrant tout entier dans les excès de leur art, permettent aux foules léthargiques de la Suburb de reprendre contact avec une réalité dont ils se sont tous éloignés… Le roman ne ménage pas quelques temps forts [la découverte de la fonction du pensionnat, que le lecteur se prend dans les maxillaires comme un vilain coup de point le laissant passablement étourdi], et le tout, lancé sur le flot d’une prose corrosive nous entraîne en headbanguant jusqu’à une fin libératrice…

Punk for life…

 

Outrage et Rébellion… Comme la volonté assumée d’une écrivaine qui refuse de se laisser enfermer dans la moindre petite case. Vibrant hommage à Please Kill Me et au monde pétulant du Punk, le dernier roman de Catherine DUFOUR est un long cri de rage et de désespoir lancé à la face de ses lecteurs. A prendre avec humour et non sans une bonne dose de second degrés…



15/05/2013
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