La-Cave-aux-Mots

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Xavier MAUMEJEAN - La guerre spéciale

 

Fort d’une bonne dizaine de romans, Xavier MAUMEJEAN nous livre avec cette présente Guerre Spéciale sa seconde incursion dans la littérature jeunesse au sein d’une collection placée sous sa propre tutelle : Royaumes Perdus chez Mango.

Guerre ? Vous avez dit Guerre ?

 

Le roman est dédié à deux figures emblématiques de la Science Fiction américaine : Robert HEINLEIN et Joe HALDEMAN. La révérence parait cependant par trop appuyée : tous deux ont composé une partie de leur œuvre sur la thématique de la guerre [on ne pourra que vivement conseiller deux lectures indispensables de Joe HALDEMAN : La guerre éternelle, évidemment, mais aussi, moins connu, et pourtant tout autant jubilatoire : Le vieil homme et son double. Pour HEINLEIN, on pourra rappeler que le cinéaste Paul VERHOEVEN a porté à l’écran son roman Starship Troopers], thématique que Xavier MEAUMEJEAN reprend ici à son compte non sans l’adapter aux canons de la littérature jeunesse.

L’histoire n’a somme toute rien de bien révolutionnant. Dans un futur pas si lointain, les planètes colonisées par la Terre se sont rebellées contre la tyrannique hégémonie exercée par leur souveraine dirigeante. Au prix d’une guerre matricide sanglante, les colonies ont fini par acquérir leur indépendance. Un siècle a passé sous l’égide d’une paix qui semble désormais durable. Néanmoins, un incident inexplicable frappant un transport de troupes de la flotte coloniale [scène d’ouverture pour le moins prometteuse qui ouvre sur pas mal de questions…] pousse les dirigeants de la Confédération des Planètes Colonisées [les dirigeants, comprenez « l’armée » sans qui jamais l’indépendance des colonies n’aurait vu le jour…] à déclancher le plan « Guerre Spéciale » afin de parer à toute menace… L’enjeu de ce plan : dénicher au sein des jeunes générations quelques rares ados dotés d’un potentiel secret susceptible d’être porté, par l’entremise d’un entraînement au sein de l’académie militaire, à son plus haut niveau. Le procédé est évidemment bien pratique… Et c’est sans surprise aucune que le lecteur se verra ainsi servir son trio d’adolescents à la fois bigarré et complémentaire : la mystérieuse et indocile Meï au physique et à la souplesse athlétique toute…asiatique ; le tout en muscles Bob, joueur aguerri de speedball ; et le meneur intello charismatique de l’équipe, fils de paysans et héros principal de l’histoire : Paul.

Là où HALDEMAN nous faisait voyager de planètes en planètes, de décors en décors, là où il conviait son lecteur à un éprouvant voyage dans le bourdonnement de combats où l’intensité des actions n’avait d’équivalent que la diversité des situations [La Guerre Eternelle], MAUMEJEAN prend le parti de laisser fixe le cadre de son action : la majorité de son roman se déroule en effet au sein de l’académie militaire [décidemment : des ados confinés en pension… (mettre lien vers Outrage et Rébellion…] où nos chers adolescents, après avoir été trillés sur le volet, auront tout le loisir, à force d’entraînement spécial, de déployer leur potentiel tout aussi spécial [L’ombre certes lointaines de Van Vogt plane aussi sur le roman. Lisez et vous comprendrez]… Finalement, le roman délaisse complètement cette invitation au voyage léguée par ses pairs pour se cantonner, dans sa majeure partie, à une sorte de huit clos, ou plus précisément d’enquête statique dont la clef pourrait tenir dans la réponse à cette énigme : qui en veut à la paix des colonies ?

Les ingrédients jeunesse sont bien présents : l’écrivain profite ainsi du cadre de l’académie militaire pour dresser le tableau du microcosme scolaire. L’occasion pour les lecteurs âgés de se remémorer quelques bons souvenirs, lorsqu’en des temps désormais révolus, nous usions nos fonds de culotte sur les chaises trop basses de l’éducation nationale déjà claudicante : un zeste de bizutage des plus anciens sur les petits nouveaux [Kurt, le cadet aux desseins ambigus], la fameuse passe des interrogations écrites ici éprouvée par nos héros lors du test d’aptitudes de l’armée, les élans de sympathie spontanée nous incitant à voler au secours d’un de nos camarades en difficulté devant le despotisme de l’autocratie professorale [Paul soutenant Bob devant Clark]… Xavier MAUMEJEAN se plaît à dépeindre les relations élèves / élèves, mais aussi élèves / enseignants. L’occasion là encore de donner corps à quelques figures archétypales tirés de la sphère scolaire : le gentil prof compatissant qui se révèle un confident sur lequel on peut compter [Hansen], le méchant prof à la réplique cinglante qui suscite chez son auditoire nerveusement attentif autant de crainte que de respect [Clark]… Alors certes, on est bien loin d’un Chagrin d’Ecole de PENNAC… Mais au final, le tout sonne agréablement juste. Et si le vieux lecteur pourra au mieux sourire de nostalgie à l’abord de ce traitement central de La Guerre Spéciale, il ne fait aucun doute que le public visé évoluera quant à lui en territoire connu. C’est-à-dire conquis…

Un entraînement militaire drastique. Des gamins enrôlés et contrôlés par l’armée. Le tout mettant en jeu la survie de notre espèce… Pour revenir à la SF auquel le roman se rattache, impossible, aussi, de ne pas penser à l’indispensable Stratégie Ender de CARD… Mais ne nous y trompons pas ! D’équivalences avec la somme de ses romans sus-cités, La Guerre Spéciale ne partage que ce léger poudroiement de thématiques glanées de-ci de-là. Car pour le reste, l’écrivain jette sur son texte un voile de retenu et de pudibonderie qui l’empêche définitivement de titiller la corde sensible et usée d’un vieux routard roublard de la SF. Si les scènes d’actions, le plus souvent inattendues donc bienvenues, ponctuent la linéarité du récit, le tout demeure assez confidentiel, ou, plus précisément, confiné : quelques morts par-ci, quelques morts par-là. Et on regrette amèrement que le récit n’adopte pas plus d’ampleur… Une ampleur que le calembour du titre laissait pourtant  supposer…galactique, et qui s’avère, au final purement…académique. Car c’est au sein de l’académie militaire que tout se joue pour nos jeunes héros. Et c’est au sein de cette même académie que tout se noue. La chute tant attendue qui signe la réponse à la trépidante interrogation posée en fanfare par le prologue déçoit par son manque d’envergure… Au même titre que la relation sans lendemain de nos deux protagonistes antagonistes… Bien entendu, on entrevoit où l’auteur a voulu en venir : nous exposer un traitement original de la thématique, original par son caractère policé qui prend à contre-pieds le traitement radical de ses pairs : ici, le conflit ne se résout pas dans le sang ni les orages d’acier mais par le dialogue, la pondération, et la conciliation… Une vision qui apparaît malheureusement bien fade au lecteur ayant éprouvé par le passé la douloureuse déflagration des témoignages de ces écrivains qui ont pu vivre l’expérience terrible de la guerre, et en revenir – tout du moins physiquement : que ce soit HALDEMAN, HEINELEIN, GIONO, HEMINGWAY, ou JUNGER…

Une Guerre Spéciale ?

Sans aucun doute.

 

Alors bien entendu, ça se lit aussi bien qu’aussi vite. Et puis on s’attache quand même à ces gamins spéciaux qui se construisent un peu au contact de la dureté de leurs expériences militaires. Simplement, la retenue générale qui conduit le roman pourra décevoir voire agacer plus d’un lecteur adulte, au même titre, d’ailleurs, que la conclusion un brin moralisatrice… Il ne fait aucun doute, cependant, que le jeune public trouvera dans la Guerre Spéciale la source d’un divertissement légitime qui peut-être, et on l’espère, pourra l’amener à se tourner vers l’œuvre des pairs auxquels l’écrivain rend hommage dans son incipit.



15/05/2013
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