La-Cave-aux-Mots

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Nicolai LILIN - Urkas


Urkas : communauté mafieuse sibérienne, déportée sous le régime stalinien en Transnistrie, région de la Moldavie. Nicolai Lilin, auteur et narrateur de l’histoire, nous rapporte son parcours au sein de cette société extrêmement hiérarchisée et codifiée, respectueuse de valeurs morales et religieuses très strictes, et qui voue à tout représentant de l’autorité rattachée au gouvernement une haine viscérale. L’auteur décortique les us et coutumes de ce microcosme grégaire : les passations de pouvoir, le respect des anciens.

Il brosse un panorama de ses grandes figures sans oublier la moindre anecdote : ici, un nom n’est pas simplement cité, il s’accompagne presque systématiquement d’un copieux curriculum vitae retraçant ses méfaits. Untel s’est illustré pour avoir dessoudé tel nombre de fonctionnaires de police ; untel a assis sa renommé en commettant tel braquage… Par l’entremise du narrateur, nous découvrons une communauté certes violente, mais dépositaire d’une tradition qui cimente sa cohésion : le rituel du premier couteau, puis du premier pistolet,  le rituel du thé. A la différence des autres branches mafieuses du pays, les Urkas se démarquent par leur éducation, leur sens de l’équité, et la ferveur de leur foi, nous évoquant la mafia italienne des années 30. Le roman pèche cependant au niveau de sa construction. Divisé en huit chapitres, les scènes de véritable violence ne sont pas si nombreuses : elles se diluent dans la logorrhée générale, dans la multiplication des anecdotes et des descriptions, dans le foisonnement des personnages qui s’agglomèrent pour former une mosaïque disparate, donnant au texte une construction cubiste un peu bancale. A trop vouloir en dire, avec ce fâcheux réflexe de ne jamais laisser le nom d’un bandit sans son copieux parcours, l’auteur perd parfois le fil de son histoire, ou, plus exactement, le distend. En réalité, « Urkas » apparaît moins « décousu » que « mal dégrossi ». Pourtant, certains chapitres ne manquent pas d’interpeller : il en va ainsi de celui consacré à l’internement du narrateur dans un centre pour mineurs. Les conditions de détention insalubres, avec un manque total du respect des règles élémentaires d’hygiène et de sécurité, nous donnent l’impression d’être retourné un siècle en arrière… Au-delà de la minutie déployée dans la description de la tradition des Urkas, le roman ne fait pas l’impasse sur certaines scènes démonstratives d’une violence rude et âpre. Il en est question dans le chapitre « Le jour de mon anniversaire » qui voit le narrateur poursuivi et attaqué par « le vautour » jeune ponte d’une bande rivale revanchard qui tente de le faire tomber dans une embuscade sur son territoire : échanges de coups de feu, combats de rue, coups de couteau et cicatrices, os brisés et commotions… Il en va de même dans celui intitulé « Xioucha », où le narrateur, épaulé par ses jeunes congénères, cherche à venger une jeune fille autiste intégrée à leur clan et victime de viol par une bande d’inconnus. Expédition punitive qui se conclura évidemment dans un bain de sang, rappelant que la justice, chez les Urkas, se résume à celle du Talion. Si l’on peut critiquer l’écriture fleuve, difficile cependant de ne pas s’attacher à quelques personnages évoluant dans la périphérie du narrateur : Mel, son ami proche, grand nigaud balourd à forte carrure qui ne sait que taper, Grand-père Kouzia, le grand père respecté et chéri…. Et une fois « Urkas » refermé, une question subsiste : jusqu’à quel point Nicolai Lilin a-t-il romancé son passé ? Un premier roman qui a le mérite, néanmoins, de jeter un éclairage cru sur un pan méconnu de la société russe. A découvrir. 

 



22/05/2013
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